J’entendais la
pluie tomber comme lorsque je suis ici à l’abri, dans cet endroit qui est chez
moi. C’était le même bruit que celui sur le toit de ma maison.
J’ai dit : « Il pleut ? »
« Mais oui…il pleut. »
Ça ne leur faisait rien qu’il pleuve.
Je remarquai le carrelage au sol. Ce fut alors que je me
souvins de toute l’histoire de cette pièce, de toute mon histoire, de ma petite
vie passée par ici, du rectangle bleu d’un ciel pur d’été. Il faisait si beau
ce jour-là, je n’avais jamais vu cette longue fenêtre horizontale en haut du
mur, dans ce bureau qui m’apparut alors comme une prison, avec toute la vie qui
était en dehors.
Il pleuvait,
j’étais dos au mur, la lumière du jour finissant derrière moi, j’écoutais le
chant des gouttes de pluie, j’étouffais mes souvenirs, je cherchais sur les
murs couverts d’écriture, les traces d’hippocampes futures.
« C’est de l’orage ? »
« Oui, on dirait bien. »
Ça ne leur faisait rien les coups de tonnerre.
Ce carrelage je ne
l’avais jamais remarqué auparavant, il était beau, propre, il n’avait rien à
voir avec le balatum qui se griffait des traces noires du cirage des chaussures
du maître d’autrefois.
J’étais ce jour-là, debout face au bureau, les yeux dans
l’azur de la lucarne, mes mots exacts je ne les savais plus, seul survivait
l’écho perdu de la fin sans doute de mon unique phrase : «les choses
de la vie».
Il pouvait donc
pleuvoir pareil dans cette pièce de quinze ans, pareil comme si j’étais chez
moi.
Je n’entendais plus
la pluie, le crayon sur le papier des dernières notes traçait les mots de la
délivrance, mais ce n’était pas celle de l’heure, ni du temps perdu, ni du
temps d’ailleurs, c’était comme un printemps.
Il pleuvait
toujours, toutes trempées sur ce morceau de goudron comme au bout du monde, nous
n'étions simplement que de quelques heures jusqu’au lendemain, et moi j’étais béate de bonheur.
J’ai crié : « C’est une pluie
d’orage ! ».
Alors elles ont répondu : « Oui !
Oui !!! A DEMAIN ASLÉ ! »