vendredi 30 avril 2010

Les soucis de traverses (épisode 0)


Nous arrivions. La maison était là et le tilleul derrière le jardin me tendait déjà toutes ses feuilles de l’été qui venait à venir. Pourtant nous n’étions qu’en avril, ma mère venait de mourir et tous les paysages étaient si tristes de cette envie de partir. Mais de voir la maison et d’être là avec Joseph qui me ramenait, c’étaient mes larmes sur la vitre qui se battaient contre la pluie. J’étais presque heureuse parce que je rentrais chez moi.
Je pensais à tous ces soucis de traverses et de qui pourrait encore les reconnaître, je pensais à  ça, je m’efforçais de penser à ça parce que j’avais trop envie de pleurer ma mère, et tous, et tout m’aidait sans vraiment me consoler.
Ce ne fut que quelques années plus tard, quand Xavière, qui pilotait un audit sur les attaques de traverses dévorées par les esprits, vint nous rendre visite dans notre petite gare, que je compris que je pouvais redevenir amoureuse des trains, même sans arbre, même sans gare, et même sans rail.

*photos PhARSme..

jeudi 29 avril 2010

Pauvres jonquilles (épisode 1)


C’était un mois d’avril, encore un où le printemps tardait tant à venir que même la terre se refusait à dégeler sous les premiers vrais rayons chauds du soleil. De pâles et maigrichonnes jonquilles aux tiges si courtes et distordues se perdaient comme des sachets plastique vieux de dix ans dans le jardin de mon père, qui depuis ce jour où on l’avait rangé des voitures, s’était vu affublé du nom d’amiral, vous savez cet ami qui râle sans arrêt. C’était ce mois, le dernier de ma mère, lorsqu’elle avait dit je ne pensais jamais revoir le printemps et puis qu’elle était morte. Ici, pour que le printemps arrive, il faut une explosion, un bouleversement, un souffle qui éteint, un souffle qui s’éteint. Un orage de soleil.
Il avait fait si froid durant cet hiver, si froid que tous les arbres du jardin avaient disparu dans la cheminée, seul le tilleul, lui le dernier était là guettant sa destinée… mais les traverses non. Non ! On ne brûlait pas les rêves pour se réchauffer, on ne brûlait pas les preuves non plus. Nous n’avions jamais été lâches à ce point.

mercredi 28 avril 2010

Au nom de la cloche (épisode 2)


La cloche sonnait mais je restais là assise, les yeux au ciel, il n’y avait plus que le vent pour faire tinter Carmélina à la porte du quai des brumes amères. Quelle idée de donner des noms propres à chaque objet ! Ensuite on se retrouve avec des dictionnaires posthumes à tenter de retraduire les choses les plus simples pour ceux qui n’étaient pas là lors de l’encodage des mots de tous les jours.
J’avais les yeux au ciel car lorsque tout est si laid qui vous entoure, le bleu ne peut plus venir que de là.
L’amour me manquait, c’était terrible, tous les mots d’amour me manquaient qui n’avaient plus aucune bouche. Je chuchotais ma chérie je t’aime…et je soupirais comme pour vérifier la tension de tous mes frissons. Mais non. J’avais toujours ces traverses au fond de la gorge.
Carmélina reprenait sa mélopée. Je la trouvais assez désespérée, c’était étrange, le vent d’habitude n’avait pas ce caractère si particulièrement, si expressément féminin.

mardi 27 avril 2010

La montagne de tous les avrils (épisode 3)

Je me levais enfin, un énorme nuage gris s’était pris l’envie de me barrer l’horizon au soleil. Je fermais la porte du jardin, avec une musique de Prokoviev sous les pieds, une de celles que malheureusement on n’oublie jamais… et je traversais la gare devenue isocèle parce que j’aimais ce mot, il y avait comme du soleil dedans.

Elle était là sortie d’une agence immobilière avec son oeil qui fouillait partout jusque dans les poches où s’enfermaient mes poings. J’ai toujours eu ce système de défense en cas d’attaque trop bienveillante, de mettre des images toutes faites sur les personnes. Et puis quand elle s’énonça  Xavière de Montmorency chargée de missions au près du ministère du recensement des voies à l’abandon…des voix…des voix s’élevèrent en moi et je vous jure que je voyais toute la montagne de traverses lui écraser le nez….

lundi 26 avril 2010

Un silence amoureux (épisode 4)

Ce sentiment d’usurper, de garder des droits que l’on a dépassés, de perpétuer du sentimental qui tôt ou tard finira par se clore avec sa propre génération, de vivre sans fin un oubli prolongé d’avril en avril… C’était ça le mal véritable des traverses qui me rongeait.
J’étais statique, j’écoutais les mots, mon cerveau les retranscrivait en dialogue à l’intérieur de mon coeur et les piles, ces pauvres batteries de mon coeur  qui depuis si longtemps ne le maintenaient plus qu’en survie, oui les piles de mon coeur étaient en folie de ce courant qu’elles reconnaissaient.
Nous étions assises autour de deux tasses d’un pauvre café vert et je ne me taisais même pas parce que je n’avais pas besoin de dire quoi que ce soit…que ce fut ?

dimanche 25 avril 2010

Le secret de la lumière (épisode 6)


Elle m’apportait la lumière et la lumière pour qu’elle m’atteigne il fallait qu’elle en traverse  des carapaces des plus coriaces jusqu’à celles de plus en plus fines, jusqu’à la peau, jusqu’à la moelle…et bien sûr que cela faisait mal. Mais mon coeur s’était mis à rebattre et cela valait bien toutes les souffrances, toutes les abnégations.
Et puis je ne disais rien, tout mon être de l’intérieur était en train de se liquéfier, alors comme je me voyais me levant pour la raccompagner et me transformer en rivière, j’ai prié l’amiral d’apparaître avec dans sa main celle de ma mère.
En sortant nous allâmes tous ensemble recenser les traverses, Xavière avait sorti un drôle de crayon lumineux, entré deux trois formules que je ne comprendrai jamais…une voix synthétique soudain proclama qu’il y  avait en tout 118 482 traverses…j’étais heureuse du nombre pair ! 
Elle appela l’ IGNDT (institut géographique national des traverses) qui viendrait prendre toutes les photos nécessaires avant l’arrivée des premières équipes…

samedi 24 avril 2010

Par A + B (épisode 7)

Moi, je restais baba.
Ca voulait dire que chez mon nouveau chez moi les vitres seraient posées à l’envers de l’endroit ? Qu’on penserait être dedans alors qu’on était dehors…à pile ou face la vitre deviendrait miroir ou transparence…
Je croyais bien que toutes les traverses allaient devenir autant de barreaux à l’échelle pour regarder par la fenêtre du passé et du futur et que sur la buée du présent, sur la brume entre le jour et la nuit…si près du ciel, je n’attendrais plus d’être triste pour écrire la suite, la suite merveilleuse des noirs et blancs en couleur.
Ca voulait dire comme une pluie après une journée si chaude d’avril, que je passerais bien l’été pour arriver directement en automne.
J’étais amoureuse mais ça ne se voyait pas.

Haïkivahoa


*En Gare d'Avril : épisode 7
tu pouvais passer par tokyo
mais la voie de la mer
même en passant par le ciel
sera toujours la plus belle

*photo provisoire

dimanche 18 avril 2010

Soleils en herbe


peut-être que l’on s’attache trop fort
qu’il faudrait souffler davantage au nord
que les mots d’émotion ne sont que des mots
peut-être que dans l’âme du nuage se cache une sirène
peut-être qu’il faudrait être plus forte
passer la révolution des mots du corps
et ne plus jamais écrire que l’eau qui dort
peut-être quand mon ventre bouillonne de cris
et que ma voix s’épuise de ses silences
peut-être que la réponse
est dans le temps qui passe…

je m’attache à l’herbe redevenue verte
à la voix des choses végétales
à la demande des nouvelles de mon retard
peut-être qu’il faudrait souffler davantage au nord
que mon rêve ferait moins mal s’il ne devait pas éclore
je m’attache à moi sereine au son de ces paroles
je me parle de l’avenir à me lier au ciel d’encore
loin d’aucune poésie
avec simplement les mots d’ici…

je m’encercle au présent si l’amour n’a pas de nom
je me lie au prénom qui résonne dans la maison
peut-être qu’il faudrait m’arrêter les soupirs du désir
prendre la cloche dans ma poche et puis m’enfuir
faire une dislocation de rime
et tomber rose noire dans le bitume de l’anonyme
avec toutes mes ailes qui se referaient blanches
en écrivant des vers sur la route du dimanche
peut-être que sans aucun doute
certainement il y aurait une flèche inca
pour me dire que je t’aime c’est tout droit
peut-être que l’abîme qui se brise
est dans les lignes de demain…

samedi 10 avril 2010

chanson pour une capucine


* Photo Jeanne

Vite vite des mots ou je vais défaillir
Vite vite donne moi un crayon pour écrire
Vite vite du papier à lettres pour rougir
Dans un grand bol d’émotions de la faim
Une claque une gifle une griffe une main
Un  amour un jardin de fleurs rouge carmin
Vite faire courir la plume en vagues de dunes
Revoir la mer bouleversée par la Lune
Et faire des rimes aux cheveux de la brume
Vite de l’encre à nourrir mon coeur si pâle
Ma peau si froide mon âme seule sans cigale
Mon souffle perdu dans son dernier râle
Vite vite raccrocher le soleil aux étoiles
Peindre de phrases bleues toute la toile
Et qu’elle devienne notre bateau à voile
Vite vite des mots des rêves de la douceur
De la pluie des nuages en flocons de couleurs
De la tendresse en caresses roses vapeur…
Et je vais mieux de tous tes bras merveilleux
Des étincelles naissent au fond de mes yeux
Disparu avalé défait par magie ce si gros noeud
Les mots écrits s’envolent légers d’apesanteur
Me laissant en trace le sourire béat du bonheur
La vie est si belle sous les ailes des îles…

vendredi 2 avril 2010

Les clés du royaume

j’ai jeté les clés au tiroir
laissé la porte ouverte aux courants d’air
j’ai oublié de vous dire que je vous aime
mes oreilles se sont détachées pleines de vos cris
de papiers froissés de feutres oubliés
de poussières rouges et noires de larmes sur vos joues
de vos bagarres à vous déchirer tout ce qui saille
j’ai jeté les clés
du trop gentil à toi qui prendrais bien ma place
en passant par tous ces coups
défense de trois fois rien
de trois fois rien de trois fois rien
qui font vraiment beaucoup
j’ai jeté les clés au tiroir
dans ma poche il y a vos dessins
tous vos dessins
celui du lapin qui ne sait pas les couleurs
de toi emportée par le vide de ta mère
…et de toi qui cours encore
j’ai jeté les clés au tiroir
sur le trousseau il y avait celle
de la porte de l’endroit où je sais être sage
celle de l’armoire de l’ordre des cahiers bien rangés
celle d’ali babaslé recel des petits bonheurs
celle de la grille du matin dégivrée par un sourire au milieu de l’hiver
et celle la terrible qui déclenche l’alarme à tout le monde d’entrer
… mais promis je reviendrai au printemps le vrai
reprendre les clés du monde de mon tiroir secret